Dans sa brève du 1er juin 2020, Edith de Amorim rend compte du désir féminin en tant qu’il est perçu, encore aujourd’hui, par les adultes – aussi bien hommes que femmes – comme monstrueux[1]. Elle y évoque l’insupportable, pour l’adulte, du plaisir érotique de la petite fille, et particulièrement pour la mère. Une situation clinique, rencontrée dans le cadre de mon travail de psychothérapeute, me semble venir bien illustrer ses propos.
Madame B., âgée de 30 ans, souffre de vaginisme. Mariée depuis un an, elle ne parvient pas à être pénétrée par son époux. Elle explique que, dès que ce dernier tente de la pénétrer, ses jambes à elle se contractent. Cette impossible pénétration provoque chez elle des crises d’angoisse, ce qui met fin aux ébats sexuels du couple.
Le vaginisme est un symptôme corporel que les femmes peinent bien souvent à aborder. Lorsqu’elles le font – souvent auprès de leur médecin traitant ou gynécologue – elles se retrouvent sans prise en charge spécifique car il n’existe pas de traitement médical du vaginisme. En revanche, la psychothérapie et la psychanalyse sont des voies permettant, au moyen du travail d’association libre, de parvenir à un savoir sur le symptôme, savoir inconscient toujours en lien avec l’histoire singulière et la subjectivité de la femme qui en souffre. Que nous apprend alors Madame B. à propos de son symptôme ?
Ce qui apparaît, en premier lieu, dans le discours de Madame B., c’est celui des adultes qui, autour d’elle, ont contribué à sa construction. La patiente raconte ainsi qu’à partir du moment où elle a eu ses menstruations, « c’était interdit les hommes. La virginité, c’est être propre. C’est mon père qui dit ça. Faut être vierge. Je ne dois pas avoir de relations sexuelles et ça continue même après le mariage. Ces mots restent dans la chambre. C’est l’image de mon père qui est dans mon couple, dans mon intimité, il est là. » Aussi, enfant, sa mère, ses tantes mais aussi ses voisines, ne manquaient pas de la réprimander lorsqu’elle faisait des mouvements ou des jeux, un grand écart par exemple, risquant de la « dévierger ». À présent, tout ce qui lui évoque le sexe féminin et la sexualité lui « donne envie de vomir ». C’est donc à partir des discours des adultes au sujet de son intimité que la patiente a construit une représentation horrible de son corps, de sa sexualité, de son désir.
Pourquoi les adultes responsables d’accompagner les filles à devenir femme ont-ils tant de difficultés à le faire ? Refus du féminin ? Haine ? Vengeance ? Comment le désir féminin peut‑il donc se construire lorsqu’il est d’emblée étouffé ? Quelles formes le désir féminin prend‑il lorsqu’il est assumé ?
Et Madame B. de répéter qu’elle veut « [s]e débarrasser de [s]a virginité », en tant qu’elle représente une difficulté à devenir femme.
[1] Amorim (de), E. Le désir féminin compris comme monstrueux, 2020, https://www.rphweb.fr/details-le+desir+feminin+compris+comme+monstrueux-521.html